Libérer les potentiels des talents surdoués : comment faire concrètement ?

Suite à la lecture de mes différents articles sur la douance, vous me dites parfois :

 

"c'est bien beau de vouloir faire émerger les prises de conscience de toute la richesse que peuvent apporter nos différences, mais CONCRÈTEMENT, moi ce que je vois, c'est qu'en entretien vous avez l'air bizarre dès que vous avez de la curiosité et que vous faites plus de deux activités à la fois (multipotentialité), et en entreprise, dès que vous êtes vous-mêmes, vous êtes TROP performant, vous sentez TROP les choses à l'avance, et vous faites peur au petit chef, ...alors, sur le terrain, que me proposez-vous ?"

 

"moi ce que je vois, c'est qu'en entretien vous avez l'air bizarre dès que vous avez de la curiosité et que vous faites plus de deux activités à la fois"

 

Parfois les réponses sont trop simples pour que l'on puisse y croire. Les réponses trop simples, trop justes, sont décevantes,...parce qu'au fond on voudrait ne pas pouvoir répondre à la question. Une liste de choses à faire - qui donnerait du temps pour repousser l'essentiel - serait pour une partie d'entre-nous plus satisfaisante par exemple. 

 

La réponse, c'est s'autoriser à être bien, simplement bien, avant tout le reste. C'est là que chacun risque le plus de faire la rencontre de cet étrange inconnu qu'est...son vrai self ! 😊

 

Avec tout ce que cela implique. Avec la révolution que cela amène - sur le plan très concret - dans l'entourage, le lieu géographique d'habitation (sécurité, ambiance, trajet), la manière d'aborder la carrière.

Avec la révolution que cela amène également dans la manière de concevoir la réalité, d'être au monde, d'agir, qui peuvent sembler si éloignées de soi (prendre le leadership par exemple), parce qu'on a été si longtemps justement éloigné de son vrai soi.

 

"La réponse, c'est s'autoriser à être bien, simplement bien, avant tout le reste"

 

S'autoriser à être bien, à exister, à choisir son job, ses relations, son mode de vie, au delà de toutes les injonctions culpabilisantes de notre société. S'autoriser à exister, ce qui implique s'autoriser à avoir un Ego, à prendre le pouvoir, en tant que communauté également (car oui les surdoués et multipotentialistes constitue une communauté aussi légitime que les autres) et en tant qu'être singulier, s'autoriser à réussir comme le fait tout un chacun en l'assumant ou en disant l'inverse. S'autoriser à être un INDIVIDU, car seuls des individus forment un vrai collectif, une vraie société, faites de personnes différentes et dont les complémentarités permettent de faire face aux enjeux de demain.

 

"Mais comment s'autoriser cela quand parfois dès les premières minutes après la naissance, on a senti qu'il faudrait s'adapter"

 

Mais comment s'autoriser cela quand parfois dès les premières minutes après la naissance, on a senti qu'il faudrait s'adapter pour survivre. Répondre aux besoins - au vide - des parents, pour être aimé. Sur ce sujet la lecture d'Alice Miller est essentielle - Le Drame de l'enfant doué. 

 

L'enfant surdoué, hypersensible, conscient très vite de sa différence et de sa fragilité, a un immense besoin d'amour inconditionnel et de compréhension de sa différence, et aussi de sécurité physique et psychique, de cohérence, de logique, de vérité. 

 

Quand il perçoit que ses parents sont eux-même en situation de besoin - car il n'ont pu bénéficier des interactions essentielles avec leurs propres parents - très tôt l'enfant se construit un faux self et se met à leur service, pour survivre, pour ne pas être rejeté et mourir seul dans la nuit. Dans un instinct très fort, l'enfant repousse au fond de lui-même tout ce qu'il a de plus beau, orignal, brillant, dans la recherche paniquée de l'affection qu'il peut trouver, fusse-t-elle dysfonctionnelle, toxique.

 

Une partie des hauts potentiels ont composé avec une mère toxique et/ou instable. Ils décrivent cette empathie redoutable qu'ils ont développé pour capter les moindre signes d'un changement d'humeur, pour pouvoir faire face. Et il y a la culpabilité "c'est moi qui provoque cela, je ne pourrais pas me contenter d'être comme les autres !".

 

C'est l'histoire de toute une génération de doués et multipotentialiste. Hier, il n'avaient pas le droit d'exister, aujourd'hui, souvent ils ne se l'autorisent pas à eux-mêmes et aux autres.

 

1. En tant que personne en position de décider, sortir et faire sortir son organisation du drame de la non reconnaissance de ses potentiels

 

Alors cet enfant doué devenu adulte, parfois devenu dirigeant de grand groupe, DRH, comme un très grand nombre de hauts potentiels sur Paris (les surdoués occupent toutes les situations), devenu personnalité politique, artiste connu, écrivain, par l'effort et l'adaptation (car c'est le modèle de vie qu'il a intégré), comment réagira-t-il quand au sein de sa société, une demande de plus en plus forte se fera sentir pour la reconnaissance de la douance ? 

 

« Pour refouler le sujet, le rejeter, on invoque l'éthique, les priorités... » 

 

Pour refouler le sujet, le rejeter, on invoque l'éthique, les priorités. Derrière des arguments apparemment intouchables, c'est toute la violence de la non reconnaissance de ses besoins en tant qu'enfant qui se projette à son tour sur les personnes qui demandent à ce que leurs besoins soient reconnus.

 

Je rappelle qu'il ne s'agit pas de la réponse de tous les hauts potentiels, seulement celle de ceux dont les besoins n'ont pas étés reconnus pendant l'enfance, et qui n'ont pas travaillé là dessus en thérapie.

 

Exemple de réponses (DRH, dirigeants, managers de haut niveau) :

  • "Je ne veux pas faire de différences entre les collaborateurs !" (comprendre ce qu'est un vrai collectif - par définition fait de différences - demande de l'avoir vécu)
  • "A notre époque nous n'étions pas des enfants gâtés comme cela. J'ai réussi à la dure et cela m'a appris (justification du traumatisme, statut de victime ignoré, parfois sous prétexte de tradition) pas de raisons que ça change"
  • "C'est très dangereux pour l'ambiance de la société, cela va faire peur" (projection)
  • "Je ne veux pas faire d'exceptions" (les parents ne voulaient pas faire d'exceptions)
  • "L'élitisme ça me choque" (parce qu'il n'existe pas déjà avec les programmes hauts potentiels et la sélection en fonction de l'école d'origine...cette éthique à géométrie variable que l'on nous apprend...)
  • "De quoi je vais avoir l'air" (besoin d'être aimé)

 

« De nombreux départs de profils brillants ont commencé et les conflits se font sentir »

 

Et je le rappelle, ce sont des sensibles et doués qui disent cela, dirigeant ou décideurs peut être, mais qui - contrairement à l'illusion de l'existence de castes séparées - ont étés comme vous et moi la majeure partie de leur vie professionnelle, dans les mêmes quêtes, les mêmes doutes.

 

Or souvent, les différences existent déjà au sein de l'entreprise, sont conscientisées. De nombreux départs de profils brillants ont commencé et les conflits se font sentir : c'est conscientiser l'existence de besoins différents entres les personnes et les reconnaître qui permet de recréer un vrai collectif à long terme (après une résistance passagère légitime). A condition de bien communiquer là dessus, comme je l'évoque dans d'autres articles.

 

« Ces réponses ne se font pas au bénéfice de l'entreprise qui est alors ignorée »

 

Ces réponses (liste ci-dessus) sont bien évidemment légitimes, et à la fois ne sont pas au bénéfice de l'entreprise qui est alors ignorée. Celle-ci peut s'écrouler par démotivation des collaborateurs les plus brillants qui ne supportent plus le piston, la politique, les primes à géométrie variable, le management persécutant...je pose l'hypothèse que souvent, le DRH ou dirigeant ne vit pas dans le présent lorsqu'il répond cela, il vit dans le passé, il est cet enfant apeuré qui veut à tout prix ne pas être rejeté. Ces réponses sont enrobées de référence aux plus brillants auteurs et drapées d'humilité, ou issues de leurs séances ce psychanalyse non spécialisées HPI...mais ce sont des réponses du passé.

 

Alors je nuance : ce n'est pas toujours le cas, bien évidemment parfois ces réponses comportement une part de pertinence selon le contexte spécifique à chaque entreprise.

 

Plutôt que de choisir un cabinet de consulting très cher et de demander à ses salariés des efforts insurmontables pour gagner 2% de marge, commencer en tant que DRH, dirigeant, par s'accepter, et donc libérer le meilleur de soi-même, permettra en reflet systémique à la société d'oser libérer le meilleur d'elle-même. Et là on ne parle plus de 2%...

 

2. En tant que tout un chacun, surdoué ou multipotentialiste

 

Maintenant parlons des surdoués qui ne sont pas décideurs aujourd'hui. Nous pourrions penser qu'il ne demanderaient qu'à être bien.

 

2.1 Général

 

Mais quand il s'agit de se donner, maintenant, les moyens et l'autorisation d'être enfin soi-même et de libérer ses potentiels, c'est "oui mais", exactement ce que dit le N+1 lorsque en tant que surdoué ou multipotentialiste, on demande plus de reconnaissance. Étrange non ? Ces managers, si souvent décrits comme persécuteurs sur les réseaux sociaux, ne se feraient-il pas simplement le reflet systémique de notre propre raisonnement ? 

Non ! On préfère souvent projeter sur l'autre, et penser n'avoir pas le choix (la maison à payer, les enfants, la situation, la société...).

 

2.2 Au sein de l'organisation

 

Souvent, quand j'évoque la possibilité pour les hauts potentiels d'oser prendre le risque - car c'est un risque effectivement - d'aller voir le DRH pour être reconnu et participer à ce que la communauté de sensible et doués soit reconnue, c'est "oui mais". Et c'est tellement compréhensible.

 

Il ne s'agit pas ici de vous écrire qu' "il faut" défendre la communauté de hauts potentiels. Je pose simplement la question de ce que cela pourrait apporter en tant que mieux être pour soi, de demander à être reconnu en tant qu'individu ET communauté.

 

2.3 En recherche d'emploi

 

Parlons maintenant de la recherche de job. Dans la pratique, parfois il suffit d'une seule personne à contacter pour trouver le job idéal, on sait très bien qui c'est (il peut s'agir de son propre père...mais ce n'est jamais la personne idéale justement parce qu'elle permettrait de trouver le job idéal...), et on va mettre en oeuvre toute une stratégie de recherche, toute une liste d'actions procrastinantes, construire des citadelles de choses à faire, mais surtout, éviter de s'autoriser à aller à la rencontre de LA personne qui pourrait vraiment apporter une opportunité !

 

Souvent, la personne douée et multipotentialiste aligne les contraintes :

 

- la localisation de la maison est un très bon rempart au changement

- les enfants et les responsabilités familiales de très belles excuses

- la finance est un sujet, alors que presque personne ne sait la réponse lorsqu'on lui pose la question : quelle est la valeur du total des actifs en ta possession ?

- et pourvu (inconsciemment bien sûr) que les enfants n'aillent pas parfaitement bien, il faudrait alors s'en occuper et s'oublier, d'où les "mon enfant est vraiment hypersensible, il faut que je sois très présent au cas où..." (constructivisme)

 

ou les croyances :

 

- grands groupes = KO ! "Forcément j'y trouverai pas ma place!"

- et pas les méchantes sociétés pétrolières, pas les méchants financiers, pas ceci, pas cela ;-)

 

=> on prend souvent le poste un peu flou où les jeux relationnels de l'enfance et le mélange des genres va pouvoir se répéter, on sait (intuition du HPI) au fond très bien que l'on rejoue, parfois on tombe dans le piège du premier pervers narcissique - pour schématiser -  qui parle d'humain et de projet porteur de sens - mais c'est trop dur de se l'avouer, et encore une fois, combien c'est compréhensible.

 

La personne sensible, douée, multipotentialiste voudrait s'autoriser à être bien (= être soi = être aligné avec ses zones de génie = océan bleu sur le marché), et construit simultanément une citadelle - dont chaque mur est légitime et porte le logo de l'éthique et de la responsabilité avec les lettres capitales des dictatures - pour rester dans ce qu'elle a toujours connu : l'adaptation, à un entourage qui ne convient plus, à un job non aligné avec soi, pour être aimé, intégré, comme lorsqu'elle était enfant. C'est entièrement normal, compréhensible, c'est le paradoxe du changement que l'on veut plus que tout au monde (pôle évolution), et que l'on ne veut pas (pôle conservation).

CONCLUSION

 

Ecrire ce qu'il faut faire concrètement pour libérer ses potentiels en tant que surdoué ou multipotentialiste, serait inviter à rejouer le même jeu que celui qui a souvent été vécu enfant : s'adapter, en faisant des efforts, en s'ignorant un peu plus.

 

L'enjeu n'est pas dans le quoi faire concrètement. L'enjeu n'est pas de trouver le bon spécialiste qui ne parlera que de lui en donnant ses conseils. L'enjeu n'est pas non plus de faire "la bonne école" pour s'autoriser à faire ceci ou cela. C'est d'être dont il s'agit.

 

L'enjeu est simplement, pour commencer, de s'assumer, soi-même et également en tant que communauté - déjà existante - de surdoués et multipotentialistes, comme toutes les autres communautés l'ont fait dans l'Histoire au bénéfice de toute la société. Et cela comme écrit plus haut, pas - encore - par devoir vis à vis d'une communauté ou de quiconque, mais pour ce que cela apporte pour soi. Le mieux être pour les autres sera le reflet systémique naturel du mieux être que l'on s'autorise. Pas besoin de sauver, simplement rayonner pour permettre aux autres de rayonner à leur tour.

 

Même si les premiers paieront toujours plus que les suivants, l'enjeu est plus précisément d'exiger au quotidien vis à vis du responsable comme de l'entourage le plus proche que ses besoins spécifiques soient pris en compte, d'exiger de la société une place en rapport avec ses potentiels et résultats concrets, encore une fois au bénéfice de tous.

 

Pour tout un chacun, surdoué, multipotentialiste, asperger, c'est passer du " oui mais, oui plus tard, oui mais il faut d'abord que, oui mais je me sens pas légitime...", à " aujourd'hui je mets vraiment tout en oeuvre pour libérer mes potentiels, en acceptant de prendre tel ou tel risque rationnel et mesuré, en acceptant de revoir mon système de croyance si besoin ".

 

Matthieu Lassagne

Coaching stratégique et systémique de dirigeants et managers, surdoués, hauts potentiels et multipotentialistes - explorer ici

 

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