L'urgence de mieux recruter et accompagner les talents surdoués

La douance (1) touche 2% de la population, soit 1 300 000 personnes en France, et nous pourrions les estimer à 560 000 au sein de la population active, dont 56 000 chômeurs (2).

Pour les entreprises, cela représente probablement par an plus de 10 milliards d'euros de coûts salariaux (3) qui pourraient être fondamentalement mieux investis, et plus de 680 millions d'euros (4) de coûts liés au chômage. Nous n'évoquerons pas les coûts indirects liés au chômage, et les frais de santé et d'accompagnement des enfants et adultes surdoués directement ou indirectement liés à leur méconnaissance de ce trait de personnalité constitutif de leur identité qu'est la douance. Et au delà des aspects financiers, nous imaginons le coût social que cela représente.

Un enjeu d'épanouissement et de performance collective

Les personnes surdouées étant aussi présentes parmi les dirigeants et managers, au niveau professionnel, nous imaginons facilement que nous sommes tous concernés, et donc bien face à un enjeu d'épanouissement et de performance collective

Pourtant, ce trait de personnalité a été peu étudié, surtout en France, et ce n'est que depuis récemment que nous pouvons lire des articles, souvent très schématiques, au sujet de cette différence si complexe, subtile, étrange. Aujourd'hui encore, la population qui connaît la douance au delà des premiers préjugés est assez restreinte.

Mieux accompagner les personnes surdouées représente un enjeu humain et de performance collective qui nous concerne tous : organisations publiques et privées, recruteurs et chasseurs de têtes, ainsi que les talents surdoués eux-mêmes.

Dans cet article, c'est avec une posture résolument systémique que j'aborderai la douance. La responsabilité est collective, et nous dépasserons cet enjeu collectivement. Que nous soyons chasseur de têtes, managers, dirigeants, ou une personne en poste ou en recherche d'emploi concernée par la douance, autour de ce sujet, c'est ensemble que nous devons adopter une nouvelle attitude pour travailler de manière plus efficiente.

Plutôt que de prétendre énoncer des vérités ou conseiller de bonnes pratiques, et de prétendre explorer toute l'ampleur de l'enjeu, l'intention de l'article est d'apporter de l'inspiration et de susciter échanges et témoignages qui constitueront un actif de valeur pour nous tous.

Nous aborderons dans l'ordre les points suivants : 

  1. Pourquoi accompagner la personne surdouée au plus tôt ?
  2. L'histoire si commune de Marc, un surdoué de 40 ans
  3. Ces talents surdoués qui s'expatrient, deviennent entrepreneurs,...ou s'enfoncent dans les sables mouvants
  4. Qui sont ces talents surdoués parmi nous ?
  5. Quelles sont les caractéristiques des postes recherchés par les surdoués ?
  6. Comment bien recruter un talent surdoué ?
  7. Le rôle de l'entreprise dans l'accompagnement des talents surdoués : des enjeux qui rejoignent ceux de la génération Y
  8. Je me sens concerné par la douance : comment faire pour trouver le job ou l'activité qui me convient vraiment ?
  9. Conclusion de l'article

Pourquoi accompagner la personne surdouée au plus tôt ?

Lorsque depuis des années, une personne hypersensible / surdouée / zébrée ne se sent pas à sa place au sein d'un grand groupe, ou s'estime en échec en tant qu'entrepreneur et qu'après une longue quête thérapeutique un psychologue lui annonce sa précocité à 40 voire 50 ans, elle accueille la nouvelle avec un soulagement qui n'a parfois d'égal que son regret et sa tristesse.

"Quel temps gâché, pour moi-même et pour les autres, à ne pas savoir qui j'étais !"

A ce moment là, pour dépasser les réflexes de défense solidement ancrés, pour reprendre confiance, pour oser s'épanouir, oser faire tomber le masque et devenir enfin elle-même, l'énergie à mettre en place est parfois ressentie comme une impressionnante barrière montagneuse à traverser pour atteindre enfin le paysage varié et coloré d'un mode de vie qui lui conviendrait enfin vraiment.

C'est comme un plafond de verre, qui se serait lentement élevé au cours du temps, jusqu'à devenir hors de portée de n'importe quel marteau qui pourrait le briser. Ce plafond de verre est d'autant plus problématique lorsque toute la vie familiale et professionnelle s'est construite sur la base d'un faux-self, cette fausse personnalité que les personnes qui ne se savent pas surdouées se construisent parfois pour se protéger, pour donner le change face à l'entourage, et s'adapter tant bien que mal.

Quelque soit la période de la vie, l'épanouissement est toujours possible. Je le vois tous les jours en accompagnant des cadres et dirigeants entre 40 et 55 ans, souvent détectés hauts potentiels sur le tard, qui décident avec courage de s'accepter tels qu'ils sont et de s'appuyer sur leurs spécificités pour s'épanouir professionnellement.

Etre conscient au plus tôt de sa douance permet de gagner un temps précieux dans son chemin de vie

Cependant, en prenant du recul et en considérant les grandes masses, statistiquement, nous ne pouvons ignorer à quel point sur la moyenne, être conscient de ses spécificités au plus tôt, être conscient de sa douance dans son entièreté et sa complexité, avec ses risques, ses nuances, ses zones d'ombres et lumineuses, permet de gagner un temps précieux dans son chemin de vie.

Par manque de connaissance et d'information sur la douance, on hésite encore à tout faire pour détecter la précocité intellectuelle chez l'enfant. Pourtant, un bilan psychologique passé tôt, bien expliqué et placé dans le contexte d'un accompagnement global, lui donne indubitablement une chance en plus pour son épanouissement futur, au même titre que la détection de traits autistiques ou TDAH, qui entretiennent des liens possibles avec la douance.

Au niveau professionnel auquel nous nous intéressons dans cet article, beaucoup de choses se jouent aussi au commencement. Un recruteur qui saura repérer un surdoué, l'accompagner, le conseiller, l'encourager à être vraiment lui-même dans ses choix, assurera pour la société cliente une belle performance future, et permettra au candidat de démarrer du bon pieds.

L'histoire si commune de Marc, un surdoué de 40 ans

 Pour commencer, j'inventerais ma rencontre avec Marc, qui ressemble à tant de rencontres que j'ai pu faire depuis que j'accompagne les talents surdoués.

Marc est un cadre surdoué de 40 ans. Nous nous retrouvons devant la terrasse chauffée d'un café parisien. Nous avons échangé quelques mots sur Linkedin autour des enjeux passionnants du marketing digital. Une caractéristique de beaucoup de surdoués est d'aimer les rencontres basées sur l'intuition, qui ouvrent des fenêtres inattendues, et amènent à explorer d'autres voies.

Nous nous installons, au calme. Les surdoués aiment parler, mais pour aller au fond des choses, pour construire, élaborer, créer. C'est pour cela qu'ils sont souvent plus à l'aise dans les échanges one-to-one, plutôt que dans les groupes où les échanges sont plus prudents et superficiels. Souvent, il s'y sentent décalés, et luttent pour s'adapter sans jamais y arriver totalement.

Au bout d'une demi-heure d'échange avec le responsable d'équipe, il avait décelé un enjeu majeur de positionnement stratégique

Marc a un regard entier, sincère, passionné. Il me parle de sa carrière, multiple, complexe, hors du cadre. Il m'évoque un entretien récent qui faisait suite à sa candidature pour travailler dans une grande société de conseil. Au bout d'une demi-heure d'échange avec le responsable d'équipe, il avait décelé un enjeu majeur de positionnement stratégique. Un enjeu que l'équipe d'associés n'avait pas vu venir depuis des années.

Vu de l'extérieur, nous pourrions imaginer que Marc souffre d'un léger gonflement au niveau des chevilles ! Et c'est là que réside le principal et immense malentendu entre les personnes qui ne se situent pas au même endroit sur le continuum de la douance. La plupart des surdoués pêchent à l'inverse par excès de dévalorisation, ils sont souvent bien incapable de voir l'ampleur de leurs talents, souffrent d'un perpétuel sentiment d'illégitimité et d'imposture.

Lors de cet entretien de recrutement, Marc voulait simplement aider, par réflexe, c'était plus fort que lui. Après avoir formulé son diagnostic, qui lui semblait sincèrement si évident, si transparent, le recruteur avait laissé échapper un mouvement de recul.

Comme l'évoque le neurologue Michel Habib, chez le surdoué, "les différentes parties du cerveau sont probablement plus en relation les unes avec les autres" et communiquent donc avec une cohérence qui lui permet de faire des liens entre des éléments apparemment disparates, d'où la grande corrélation entre la douance et l'intuition. Et au delà de cette intuition, c'est l'altruisme et l'empathie, caractéristiques chez beaucoup de surdoués, qui l'ont amenés à formuler ce diagnostic, pour simplement apporter son aide aux autres, sans calcul ni stratégie cachée de se mettre en valeur.

Mais ce matin là, ce recruteur ne s'attendait pas à faire une prise de conscience majeure sur son activité. Marc me confie qu'il sait qu'il ne sera pas recruté, car trop intense, trop complexe, trop passionné, trop incisif et trop précis. Trop.

Marc m'évoque ses précédentes expériences qui se sont terminées au bout de 3 ans car il pointait du doigt des disfonctionnements trop dérangeants, alors que la nature de son poste lui demandait de le faire...enfin d'après l'interprétation qu'il en faisait. Car les surdoués sont entiers, et pas à l'aise avec les implicites. Le métier d'un auditeur est d'auditer, celui d'un consultant, d'accompagner la mise en place de solutions plus efficaces. Les jeux politiques sont bien souvent hors de leur portée et incompatibles avec leurs valeurs.

Marc n'a d'ambition que pour son équipe, ce qui est assez caractéristique des HPI

Marc est bien conscient qu'il doit avoir une part de responsabilité dans tout cela, que ce ne sont que de malheureux malentendus entre personnes qui toutes au fond sont de bonne volonté. Mais il ne sait pas très bien comment il pourrait faire différemment : faire de la politique, déjeuner avec les bonnes personnes pour protéger sa carrière ne fait pas parti de son fonctionnement me dit-il. Marc n'a d'ambition que pour son équipe, ce qui est assez caractéristique des HPI.

Marc continue de m'évoquer ses expériences professionnelles. Au travail, Marc ne peut s'empêcher de proposer la solution qui simplifie tout, qui crée de la cohérence, de la structure. Au sein de leurs entreprises, certains surdoués ne peuvent résister, pour rendre service et retrouver un peu de stimulation, à créer un logiciel de gestion interne ou un nouveau processus, tellement performant et peu consommateur de ressources que l'entourage professionnel s'en trouve déstabilisé. Ce qu'ils proposent, nous pourrions presque le voir comme des remarques d'enfants, si stupidement vraies, qui même si elles sont formulées dans le respect des normes de la vie sociale, choquent par leur pertinence.

Je bois une gorgée de café et lève les yeux au ciel. Avec d'un côté ces entreprises qui manquent d'intelligence créative et transversale, et de l'autre ces talents sous-exploités qui pour la plupart errent de postes en postes où il ne se sentent pas à leur place, je prends de plus en plus conscience que libérer la parole autour de la douance, avec prudence, éthique, et conscience de notre méconnaissance du sujet, relève d'un enjeu économique, de santé au travail et de performance collective.

Je me demande quelles nouvelles j'aurai de lui d'ici 3 ans.

Ces talents surdoués qui s'expatrient, deviennent entrepreneurs,...ou s'enfoncent dans les sables mouvants...

 A Hong Kong, San Francisco, Singapour, beaucoup de ces personnes hors du cadre trouvent un lieu où elles sont jugées sur leur performance, et sur rien d'autre, et où elles peuvent simplement être un peu plus elles-mêmes. Cependant, l'expatriation de beaucoup de talents, au delà de poser des questions d'ordre sociétales, n'est pas sans risque pour la personne hypersensible qui se retrouve loin de chez elle.

Beaucoup d'autres personnes surdouées décident de couper à la racine le problème des relations hiérarchiques et se lancent dans l'entrepreneuriat, souvent dans le domaine de l'humain. Mais la valorisation qui est faite actuellement du startuper qui prend des risques ne doit pas faire oublier la très grande majorité qui vivent difficilement de leur activité, avec une confiance et une estime d'eux-mêmes qui varient avec le chiffre d'affaire.

Pour beaucoup, la dépression et le rapport négatif au monde du travail s'est transformé en identité

Et enfin, nombre de ces personnes hypersensibles vivront toute leur vie dans des sables mouvants, coincés par leurs conditions familiales et financières dans des jobs tellement à l'opposé de ce qu'ils sont qu'ils s'y trouvent harcelés et moqués. Pour beaucoup, la dépression et le rapport négatif au monde du travail s'est transformé en identité. Ils emplissent alors les forums Internet qui tels des trous noirs, absorbent les plus fragiles dans cette croyance que la douance constitue un handicap. Et malheureusement, de nombreux livres sur la douance oublient de mentionner que nous ne connaissons que les personnes surdouées qui ont ressenti un jour le besoin de passer un test, de s'inscrire sur un forum de discussion ou une association, ou qui se sont reconnues dans un ouvrage. 

Dans ces trois cas, nous avons des talents sous-exploités, et des entreprises françaises qui peinent à s'adapter à un monde qui semble changer sans nous. Alors comment sortir de ce statut quo : au plus tôt, mieux recruter, mieux accompagner, et adopter une culture de management favorable à l'innovation.

Qui sont ces talents surdoués parmi nous ?

 Si l'on ne devait retenir que trois caractéristiques des surdoués, ce serait l'hypersensibilité, l'empathie et l'intuition, souvent très marquées, avec les risques et opportunités potentiels que cela comporte pour eux-mêmes et leur entourage professionnel. Les émotions sont intenses, la pensée est rapide et complexe.

Nous ajouterons l'imagination débordante, le grand besoin de justice, de cohérence, le sens du détail, de la logique et de la rigueur. Sont évoqués aussi la richesse du vocabulaire, la mémoire, le sens du l'humour, l'énergie, le goût pour l'excellence / du travail bien fait.

Les surdoués sont très touchés par les lames de fond, les enjeux globaux, et recherchent des entreprises dont les valeurs et les business models ont selon eux un avenir.

Ils questionnent avec rigueur les croyances les plus évidentes, le sens commun

De part leur intuition, la plupart d'entre eux saisissent les idées novatrices en amont de la courbe d'adoption. Ils questionnent avec rigueur les croyances les plus évidentes, le sens commun. Beaucoup avaient prévenus leurs collègues du danger des subprimes. Parmi eux, nombreux sont informaticiens et anticipent avec fulgurance les transformations et les enjeux à venir, même s'ils sont rarement écoutés. La finance et l'informatique sont deux secteurs où les surdoués sont à la fois très présents et excellent particulièrement.

Dans le domaine de la recherche scientifique, et notamment des mathématiques, la population de surdoués pourrait se trouver majoritaire, alors que les politiques de management de ces filières sont souvent fondamentalement opposées à leur nature, avec la perte de talents qu'il en résulte.

Aujourd'hui, beaucoup s'intéressent à certains aspects de l'entreprise libérée, aux approches liées à l'intelligence collective, au travail collaboratif, aux logiciels libres et aux langages informatiques de demain, aux objets connectés et à l'intelligence artificielle, à l'éducation, aux neurosciences, aux innovations des ressources humaines, aux nouvelles approches psychologiques ainsi qu'à de nombreux autres domaines qui prendront une ampleur et une importance fondamentale dans notre avenir.

Les personnes surdouées ne sont pas toutes des génies comme Steve Jobs et Mark zuckerberg, et tous les génies ne sont pas surdoués. Cependant, la lecture de leurs biographie ne peuvent que nous amener à préjuger d'une forte probabilité que beaucoup d'idées géniales se forment sur la base d'une personnalité zébrée. En France, bien informer sur la douance, et surtout adopter une culture de management favorable à l'innovation, permettrait à quelques génies de se révéler, ce qui pourrait tout changer d'un point de vue économique.

Quelles sont les caractéristiques des postes recherchés par les surdoués ?

 Les surdoués pourront exceller à des postes où ils se sentent libres, dans des sociétés où le dépassement de soi est encouragé, les idées et les propositions valorisées. Beaucoup aiment des cultures de managements qui conjuguent la bienveillance avec la recherche explicite de la performance.

Le nombre de surdoués tentés de se lancer dans le coaching nous montre leur intérêt pour l'humain, et leur besoin de ce nouveau management qui prend en compte la systémique et libère l'intelligence collective. 

Les surdoués ont besoin d'équipes qui se sentent impliquées dans la vision de l'entreprise, qui ont le sens de la logique, de la rigueur, et surtout du professionnalisme. Ils peuvent absorber d'énormes quantités de travail si les objectifs sont clairs, la performance reconnue et recherchée, les idées et les intuitions valorisées.

Comment bien recruter un talent surdoué ?

 Je suis d'avis que recruter une personne surdouée ne s'invente pas, et constitue une vraie spécialité. Il convient alors de largement se renseigner sur la douance et multiplier les rencontres de personnes zébrées, où de se faire accompagner par des consultants spécialisés dans ce types de profils.

Dans les deux cas, en tant que chasseurs de têtes ou recruteurs, nous avons un rôle à jouer pour l'épanouissement professionnel des HPI et pour la diversité des types d'intelligences au sein des organisations.

Mais si vous souhaitez faire bénéficier vos équipes de ces talents différents, il convient de changer fondamentalement de grille d'analyse.

Identifier clairement ses besoins

En tant que recruteur, le besoin peut être celui d'intégrer au sein de l'équipe une personne dont le type d'intelligence se complétera avec celles des autres collaborateurs. Ou il peut s'agir d'une création de poste au sein d'une cellule innovation particulièrement en recherche de ce type de talent, ou de la recherche d'une personne chargée de la veille technologique.

Dans tous les cas, identifier le besoin profond que cache cette demande de talent, ainsi que faire une analyse prospective de son évolution au sein de la structure, peut grandement augmenter la probabilité d'un bon recrutement.

Il est conseillé d'éviter la demi-mesure : mieux vaut recruter le bon collaborateur, avec une reconnaissance aussi ambitieuse et claire que les missions qui lui seront confiées.

Un exemple concret : si la fiche de poste demande à un contrôleur de gestion de faire la même manipulation Excel tous les mois, remplacer cela par une mission de mise en place d'automatisation de la consolidation des résultats.

Il convient de laisser de côté, au moins en partie, la fameuse exigence d'une adéquation "compétences - fiche de poste", car le talent surdoué a la caractéristique d'apprendre très rapidement, mais plutôt d'exiger de la part du chasseur de têtes un talent qui se sent aligné sur les valeurs et le business model de l'entreprise, ainsi que sur les aspects stratégiques des missions qui lui seront confiées.

Vérifier l'alignement entre le candidat et son offre, son équipe, son entreprise

La transparence sur les valeurs effectives de l'entreprise est fondamentale. Recruter une personne zébrée, c'est aussi accepter au sein de l'équipe cette intelligence différente, qui donnera parfois l'impression de partir dans tous les sens, ou à l'inverse gênera par sa logique implacable, et dans les deux cas mettra à jour des enjeux qui seront aussi vrais que dérangeants. Si la société n'est pas habituée à ce type de profil, être prêt à se remettre en question collectivement est important avant d'accueillir une personne surdouée.

Il convient aussi de vérifier dans quelle mesure le candidat surdoué est capable de remettre en question ses croyances, et d'évaluer, avec lui, sa capacité à travailler en équipe, pour trouver le poste qui lui convient.

Derrière le terme générique de douance se cachent tout un faisceau de nuances

Il est important de retenir que derrière le terme générique de douance se cachent tout un faisceau de nuances, qui vont de l'extraversion, jusqu'aux traits asperger, en passant par l'hyperactivité, sans oublier que beaucoup de surdoués peuvent paraître tout à fait standards dans l'échange.

Certains excellent en termes d'intelligence relationnelle, d'autres se situent à un stade de leur développement où il est plus avisé de leur proposer un poste qui leur permette de la développer, en tout sécurité.

En entretien, lui donner l'autorisation de se dévoiler

L'aspect fondamental du recrutement consiste à lui donner l'autorisation de se dévoiler, et de s'avouer à lui-même les caractéristiques d'un job qui lui conviennent vraiment. Mettre le candidat en confiance, en annonçant d'emblée qu'il s'agit d'un entretien basé sur la sincérité et hors du cadre classique, lui permettra d'être d'autant plus vrai dans ses demandes.

Candidat et recruteur, dans l'ambiance décontractée d'un café, doivent oser se dire les choses et se faire confiance. De part et d'autres, le mensonge et l'adaptation se voient.

Enfin, comme tout recrutement, la rencontre par l'équipe, dans un contexte décontracté, augmentera les probabilités de réussite du recrutement.

Le rôle de l'entreprise dans l'accompagnement des talents surdoués : des enjeux qui rejoignent ceux de la génération Y

 Les enjeux de la génération Y et ceux des surdoués se rejoignent sur de nombreux aspects : demain, ils souhaiteront évoluer dans des entreprises nettoyées de leurs habitudes et leurs processus devenus inutiles, dont le seul rôle est de protéger des clans, des connivences, qui se sont construits sur la base d'un modèle devenu inadapté au monde globalisé que nous connaissons.

L'entreprise de demain doit être un organisme vivant dématérialisé, automatisé au maximum, qui s'auto-organise en temps réel face aux contraintes extérieures, qui valorise le talent, les idées innovantes, la pro activité, immédiatement et pas annuellement; Une entreprise qui fonctionne dans l'intention d'atteindre des objectifs concrets et mesurables, sur fond d'un business model qui marche et d'une activité éthique et vraiment utile pour la société.

Selon moi, les problématiques des talents zébrés doivent être comprises comme le révélateur d'un enjeu beaucoup plus profond, celui pour l'entreprise de devenir agile, adaptative, ce qui passe par la valorisation de tous les types d'intelligences, y compris la pensée originale, transversale, intuitive.

Je me sens concerné par la douance : comment faire pour trouver le job ou l'activité qui me convient vraiment ?

 Apprendre à être soi

 Chez la personne zébrée, il peut exister un décalage immense entre le véritable destin professionnel qui vibre au fond d'elle, et celui qu'elle croit être le meilleur. 

Car le fameux faux-self, si bien décrit dans le dernier ouvrage de Monique de Kermadec, est bien plus malin qu'il n'y paraît, et peut même concerner une personne surdouée épanouie et qui a prit conscience de ses spécificités depuis longtemps.

Le faux-self est cette personnalité de façade qu'un surdoué se construit pour faire face aux demandes extérieures. Et je vois bien au cours de mes séances de coaching à quel point il est difficile pour un zèbre de dépasser les croyances et les représentations du monde construites sur la demande des autres.

Ecouter son vrai-self, loin d'être facile, constitue un art, qui demande entraînement et apprentissage tout au long de la vie

Le surdoué est empathique, et dès l'enfance, beaucoup d'entre eux feront tout pour faire plaisir et ne surtout pas faire de vagues. S'en suivent alors de nombreuses croyances sur l'argent, le travail, le rapport à l'autre et la communication, qui les empêchent aujourd'hui d'avancer et ne leur appartiennent pas, mais viennent de ce faux-self qui a servi autrefois à les protéger.

Ecouter son vrai-self, loin d'être facile, constitue un art, qui demande entraînement et apprentissage tout au long de la vie. Aller plonger derrière ses ruminations mentales, derrière les croyances et les opinions qui ne nous appartiennent pas, est extrêmement difficile, car la vérité est souvent aussi dur à regarder en face que le soleil éblouissant une fois passées les dernières couches protectrices de l'atmosphère.

Certaines personnes surdoués éprouvent des difficultés à s'avouer qu'elles se sentiraient alignées avec un poste à fortes responsabilité où il s'agirait d'exercer ses talents d'intuition et de pensée globale pour prendre des décisions stratégiques. Au fond d'elles-mêmes, elles sentent vibrer un destin professionnel ambitieux, et si logique et cohérent, qui ferait sens plus que tout...mais cette intuition se voit souvent brouillée par le sentiment d'imposture et de manque de légitimité.

Pour d'autres, il ne s'agira pas tant de la responsabilité exercée que du secteur d'activité pour lequel elles sont profondément faites, et qui bien souvent sort du cadre classique accepté.

Il convient aussi de discerner les métiers idéalisés de part ce qu'ils évoquent, du véritable destin professionnel, et la limite entre les deux est souvent extrêmement fine.

Beaucoup de personnes zébrées se laissent aussi piéger par la recherche de la voie unique qui ferait sens. Le destin professionnel, ce n'est pas la voie qui "fait sens". C'est la voie en accord avec ses talents, ce que l'on aime faire, et qui permet de construire le sens et l'identité. Il s'agit aussi de la voie qui laisse ouvert l'espace des possibles, s'inscrit dans une stratégie globale de carrière et qui est le fruit d'une analyse prospective.

Comment prendre conscience de ce qui me correspond vraiment ?

 Je reste persuadé que si la méditation, le sport et la lecture peuvent beaucoup apporter pour la construction d'une identité professionnelle, c'est la multiplication des rencontres de dirigeants aussi bien que d'entrepreneurs ou de managers, qui vous permettra de vous approcher pas à pas de ce qui vous convient vraiment. Si l'association Mensa propose aux personnes surdouées de se rencontrer, les MeetUps, les conférences des organismes qui proposent des formations sur les sujets qui vous intéressent, ou les rencontres via les réseaux sociaux professionnels constituent de très bon moyens de faire de belles rencontres.

L'importance d'être actif sur les réseaux sociaux...

Je n'évoquerai pas l'importance d'être actif sur les réseaux sociaux, de faire connaître ses talents, ses centres d'intérêts, ses visions. Internet constitue un embarras de richesse où vous pourrez découvrir des métiers, des approches, dont vous n'aviez aucune idée et qui correspondrait parfaitement avec ce que vous êtes. Les livres blancs et autres études des grandes entreprises peuvent s'avérer particulièrement intéressants, car ils témoignent de l'ADN de leur marque et de leur état d'esprit.

Conclusion

La douance est un sujet rebelle par nature, fondamentalement complexe. Un article court sur un sujet si vaste ne peut être que schématique, et ne peut avoir comme intention que d'inspirer à la réflexion. La douance, ce continuum si nuancé à l'expression variable selon les individus, n'a été évoqué ici que sur certains de ses aspects.

S'il pouvait rester une certitude, c'est que finalement, pour avancer, pour progresser, et pour nous épanouir tous ensemble dans le monde d'aujourd'hui, les talents surdoués et les dirigeants et DRH des entreprises doivent faire face à la même question : comment oser prendre conscience de ce dont j'ai vraiment besoin.

Pour l'entreprise, il s'agira d'oser mettre de l'agilité, de la transparence, de la liberté et de l'authenticité dans sa culture de management. Il s'agira aussi d'oser venir chercher les talents différents, et parmi eux, les personnes surdouées.

Préfèrera-t-on recruter le talent conciliant, dont l'école et le parcours ressemble à celui de l'ensemble de l'équipe, et espérer que le même état d'esprit garantisse le même chiffre d'affaire dans un monde qui change, ou préfèrera-t-on recruter un de ces talents intenses et complexes, qui bousculera quelque peu les habitudes, posera d'autres questions et aura d'autres intuitions, pour un état d'esprit global qui accueillera, voir provoquera le changement avec agilité et souplesse ?

Le danger d'équipes qui ne seraient formées que de surdoués serait tout aussi grand. Le surdoué est un animal sauvage par nature, d'où l'appellation de zèbre, et il est très connu qu'il n'est pas toujours plus à l'aise dans les associations composées de surdoués qu'à l'extérieur.

C'est recruter la juste personne à la juste place, dans un objectif de diversité des talents qui augmentera mécaniquement la capacité d'adaptation de ce système vivant qu'est l'entreprise.

Matthieu Lassagne

Fondateur de Coaching & Douance - accompagnement des talents surdoués en organisation